—Le début de vie de Karl a été qu’on pourrait qualifier de classique. Sans histoire dramatique, sans tragédie. Une enfance douce, accompagné par des parents aimants et une petite sœur à l’esprit bien plus extravagant. Le foyer était modeste, avec un père instituteur et une mère infirmière de bloc. C’est d’ailleurs cette dernière qui transmit l’amour de la médecine à son enfant, là où le père avait donné tout son amour du cinéma à ses enfants. Sa sœur, Kate finira même par trouver sa voie dans ce domaine. Grandir avec des parents anciens hippies, ça avait du bon. Tout du moins, pour les deux enfants, c’était clairement une bénédiction. Education dites « alternative » —comparée à celle de l’époque des années 80/90—, patriarcat remise en cause, acceptation des individus peu importe leur genre, orientation sexuelle ou origines. Dans la maison Prescott, nous aimions tous le monde… Sauf les fachos, les cons et les racistes. Encore enfants, ils accompagnaient Charles et Ruby dans des manifestations pacifistes pour tout un tas de cause ; et ça ils adoraient.

Pour parler un peu plus de Karl, son adolescence fut tout aussi classique. Bien sur les aléas de vie d’un ado se faisaient sentir, mais rien d’alarmant. Une chose très positive, —enfin, il y en a eu deux, mais commençons par la plus évidente— ses études. Rapidement conforté sur ce qu’il voulait dans sa vie, le jeune homme n’eût aucun mal à se faire une place parmi les meilleurs de son collègue, puis son lycée. A la faculté, il devint même major de sa promo à trois reprises. La médecine était une évidence et ses années dans ce domaine ne faisaient que confirmer cela avec le temps. Il en fut de même pour son domaine de prédilection. Il hésita tout de même un temps avec la chirurgie cardiaque, mais après avoir vu une opération prénatale, il sut que c’était ça qu’il adorait. Alors oui, aujourd’hui, il n’a pas de spécialisation dans la chirurgie prénatale, mais il compte bien, un jour, en apprendre plus sur ce sujet. Après tout, il n’y a pas de limite d’âge pour apprendre, pas vrai ?

La seconde chose positive dans sa vie, c’était Luna. Elle était de ces amourettes de lycée qui n’en était finalement pas qu’une. Le premier baiser, les premières étreintes, les premières nuits intimes, c’était avec elle. Après le lycée et deux ans d’une histoire sans ombre sur le tableau, ils décidèrent de s’installer ensemble sur le campus de Dublin —où tous deux étaient originaires. Alors que Karl ne cessait de briller en médecine, c’était en littérature anglaise que sa bien-aimée excellait. Une fois que tous les deux eurent un MA (ou l’équivalent d’un Master) ils prièrent la décision de quitter leur doux pays pour… Londres. Les opportunités ne manquaient pas mais dans la ville d’Elizabeth II, le prestige des universités était bien au de-là de ce qu’ils pouvaient espérer. Tous deux feraient des PhD suivi de l’internat pour Karl au University College Hospital. La crème de la crème des futurs praticiens y était. Entourés des meilleurs, ils ne pouvaient que réussir.

C’est pourquoi, après dix ans de vie commune, Karl et Luna se marièrent. Tous deux alors âgés de vingt-sept ans, cette étape semblait plus que logique. Une demande en mariage en tout intimité, lors d’un dîner à la maison. Une magnifique cérémonie à Londres puis une dans une douceur irlandaise. Quand le couple parlait du plus beau jour de leurs vie, il n’y avait aucun doute sur le fait qu’ils disaient vrai.

Hélas, alors que les vingt-neuf premières années de sa vie furent clémentes, le destin frappa Karl. En sortant du bloc opératoire, heureux d’avoir sauvé une petite fille d’un cancer fulgurant, il découvrit une vingtaine d’appel manqué de sa belle-mère. Un seul appel de sa part, une annonce funeste et son monde venait de s’écrouler : Luna, jeune plume à l’avenir brillant venait de perdre la vie après un accident dans les rues de Londres. Ivre, le chauffeur ne l’avait pas vu, et le choc fut si violent que l’équipe médical n’avait pu rien faire. Une étoile venait de s’éteindre, rendant le ciel de Karl plus sombre qu’une nouvelle lune.
Le deuil a été compliqué. Aujourd’hui, il va mieux et il vous dirait que cette histoire l’a forgé. Pas par choix, mais par obligation. Se noyer, ou apprendre à nager pour retourner sur la terre ferme. Une thérapie de plusieurs années, un tour du monde pendant deux ans, l’amour de toute sa famille et la belle-famille lui donna cette force de réussir. Là sont les années les plus sombres du jeune homme. Plus d’une fois il avait envie d’abandonner, comme refaire sa vie quand l’on a connu qu’une seule personne et que ce même ancrage n’existe plus ? L’attente de cette réponse lui pris de longues années. Et même si dans le présent Karl parvient envie à partager sa vie avec autrui, une part de son cœur ne pense pas qu’il pourra retrouver un amour aussi pur qu’a pu l’être avec Luna.

Maintenant, il peut parler de tout cela avec paix. Bien sûr, elle lui manque, mais quand il pense à Luna, ce n’est plus une tristesse qu’il éprouve, mais une sorte de mélancolie douce. Une sorte de modestie qui le pousse à remercier l’Univers de lui avoir donné une si belle histoire. Oui, il aurait aimé plus, mais les choses sont écrites et s’insurger sur le passé ne fait perdre que du temps. Il aime plaisanter sur le fait que cette ancienne épouse est aujourd’hui un fantôme, avec qui il peut communiquer. Pour effrayer les gens, ça marche. C’est une sorte d’humour noir qu’ils partageaient beaucoup. Fans de films d’horreur, il aime imaginer Luna devenir un poltergeist et passer son temps à effrayer ceux qui estime que la littérature anglaise n’est pas la meilleure du monde. « Depuis le temps, elle au du probablement lire tous les livres des bibliothèques du palais de la reine. Elle serait même du genre à les mettre en désordre par simple ennui et voir si quelqu’un va réagir » s’amuse-t-il à dire quand il parle d’elle.

Onze ans après cela, Karl a réussi à ouvrir son cœur à nouveau. L’heureuse chanceuse ? Bridget, une biologiste, une véritable star dans son domaine scientifique. Ils sont tous deux dans un stade de leur vie où ils n’espèrent plus à avoir une famille. Oui, Karl aurait adoré être père, mais on ne décide pas ce genre de chose seul. Bridget, elle, n’en veut pas. Et puis, leur carrière est bien plus importante que tout le reste. De ce fait, ce petit couple —aujourd’hui ensemble depuis dix huit mois— vivent ensemble, sans vraiment vivre ensemble. Ils sont exclusifs l’un à l’autre, passe du temps ensemble… Mais c’est tout. Bridget voyage entre neuf à dix mois par an, là ou Karl va avoir des semaines de quatre-vingt-dix heures. Ils se retrouvent comme ils peuvent s’offrant la tendresse qu’ils méritent. Karl l’apprécie, serait-il prêt à lui dire qu’il l’aime ? Non, pas vraiment. Mais qu’importe, depuis le décès de Luna, il ne cherche que son bonheur dans son travail. Sauver des vies, faire rire les enfants, là est la véritable source de son bonheur ; la raison de se lever le matin.

Depuis janvier 2024, il a par ailleurs déménagé à Oak afin de devenir le chef du service de chirurgie pédiatrique de l’hôpital de Bristol. Une responsabilité qui s’annonce comme un renouveau dans sa vie. Plus de boulot, plus d’enfants, plus de patients, plus de… Bonheur ? Dans un sens, un peu. Bridget devrait rentrer pour décembre. Aux dernières nouvelles, elle était quelque part en Amazonie à la recherche d’une nouvelle espèce d’araignée… Alors qu’au même moment, le chirurgien cherchait le nouveau papier peint de sa nouvelle maison, en plein centre-ville. Un petit bout de terre en pierre, idéal pour son chat, lui et Bridget quand elle reviendra —bien que la demeure soit uniquement à son nom pour des raisons évidentes. Depuis son arrivée dans ce poste, les premiers résultats prouvent que Karl se montre être un leader efficace. Charismatique et empathique, il parvient à tenir toute son équipe et ses patients avec une main de fer dans un gant de velours. Pour l’instant, ils n’ont pas encore les moyens de combler l’équipe —il manquerai deux postes, d’après Karl— mais si la croissance continue dans ce sens, d’ici mi 2025, ils pourraient espère embaucher. En attendant, il travaille beaucoup et solicite beaucoup ses internes, donc Orion, qu’il estime secrètement être le petit génie de sa promotion. Il n’en dira rien, pour ne pas flamber le tout, mais il pose beaucoup d’espoir sur lui… A moins que ça ne soit autre chose, non ? Non, bien sûr que non !

N'est-ce pas… Karl ?