• Ce bébé, il n'était pas désiré. Pas besoin de chercher à mettre des formes, c'est un fait. Quand Nova a prit conscience de sa grossesse, il était trop tard pour reculer – pas sûr pour autant qu'elle aurait faiit machine arrière quelques semaines plus tôt, agissant dès lors contre ses principes, mais n'empêche que la jeune femme ne se sentait absolument pas prête à prendre en charge un nouveau-né et ne comptait pas se forcer la main. Bien qu'elle se soit laissée attendrir par les belles paroles des infirmières – à moins qu'elle n'ait fait semblant, le retour à la maison a été brutal et après plusieurs nuits passées à veiller et plusieurs journées entières à évacuer toutes les larmes de son corps, Nova s'est mise en quête de celui qui ignorait encore tout de sa nouvelle parentalité et qu'elle comptait mettre rapidement au courant afin de l'obliger à prendre ses responsabilités. Parce que si ce n'était pas elle, ça ne pouvait être lui. Lâchement, égoïstement, elle a fini par lui coller le bébé dans les bras avec un c'est ta gamine en guise d'explications, pour ensuite détaler le plus loin possible.

• Il se confondait en excuses qui n'en étaient pas. Du moins, elles n'étaient ni recevables, ni acceptables, pas le moins du monde. Joey le savait, probablement que la jeune femme qui lui faisait face également, mais que pouvait-il y faire de toute façon. La réalité restait affreusement la même. Il ne pouvait pas. Ne pouvait plus. Il était bien incapable de prétendre ne pas les aimer, pour autant il ne pouvait pas non plus affirmer le contraire. C'était une vérité aussi complexe que douloureuse à entendre. Pour Joey aussi, en arriver à cette conclusion résultait d'un cheminement difficile. Bien qu'il n'en ait pas l'air là, avec ses bras ballants et son regard vide, il avait tourné maintes fois le problème dans sa tête sans parvenir à une autre solution. Parce que la gifle qu'il reçut par la suite était pleinement mérité, Joey ne broncha pas. Il aurait même pu tendre l'autre joue, comme si c'était la moindre des choses, mais la discussion était terminée. Son interlocutrice tourna les talons, peut-être dans l'idée de lui refuser le spectacle de ses larmes. Voilà, c'était bel et bien terminé. Joey aurait pu le dire à voix haute que ça n'aurait pas été plus clair pour la petite fille de trois, l'oreille collée à la porte de la cuisine depuis quasiment le début de l'échange. Cette nuit-là, Patsy se coucha malgré tout avec l'espoir que son père ne partirait pas sans elle mais au petit matin, son cœur se brisa.  

• Lucy n'a jamais rien demandé à personne, mais de nature optimiste, elle a accueilli chaque nouveau défi avec le sourire, persuadée que c'était à chaque fois une étape  nécessaire sur le chemin du bonheur. Mais il faut croire qu'elle a surtout été naïve, pour ne pas dire idiote. Lucy s'est fourvoyée, et avec les années,  s'est enlisée dans une situation catastrophique, très loin de ses rêves d'enfant. Pourtant, ça allait encore quand elle s'est retrouvée à accueillir sous son toit la gamine d'une autre. Avec Joey, ça faisait seulement trois mois qu'ils étaient ensemble. mais bien plus qu'ils se côtoyaient. Amis d'enfance, ils avaient juste mit beaucoup de temps à se trouver. Elle n'était pas sans ignorer que le jeune homme avait eu d'autres histoires avant, et qu'il ait eut un enfant n'était qu'un imprévu avec lequel il ne lui semblait pas si difficile de composer. Du moins, tant qu'ils étaient ensemble. Joey a fini par quitter le navire après trois ans de vie commune. Au moins, n'a t-il pas disparu sans la prévenir. Non, il lui a lâché le morceau un soir, puis le lendemain avait disparu dieu sait où. C'était à peine mieux. Il l'a laissé avec Patsy sur les bras, alors-même qu'elle n'avait aucun droit sur cet enfant. Avant qu'elle n'ait le temps de réaliser, Lucy signait les papiers en utilisant le nom de Joey. Son for intérieur criait à la mauvaise idée mais plus elle hésitait à poursuivre, plus il devenait évident qu'elle ne pouvait plus reculer. Lucy a passé des années à s'attendre à voir débarquer tôt ou tard les forces de l'ordre à sa porte, à ne pas en dormir de la nuit parfois. Pourtant, personne n'ait jamais venu mettre le nez dans ses affaires, si bien qu'elle a même fini par oublier de les attendre.

• Si le temps ne peut prétendre guérir les blessures, il peut potentiellement apaiser les cœurs et apporter la force nécessaire pour aller de l'avant. A chacun ses raisons, le chemin important moins que le résultat. Lucy a surmonté de nombreux bas, comme elle a pu. C'était pas toujours facile, pas toujours brillant non plus, mais  au bout du compte elle tient toujours sur ses deux jambes. Elle affronte sa vie, sans n'avoir jamais fui. L'amour est revenu sonner à sa porte. Peut-être pas celui avec un grand A, pas conforme à ses rêves d'adolescentes, mais qui lui a permis de retrouver une stabilité générale. Elle espérait certainement être plus heureuse, pour autant elle n'est pas complètement malheureuse. Jacob n'est pas arrivé seul, il a une fille. Au début, la situation avait un désagréable goût de déjà-vue, sauf que lui ne s'est pas enfui. Pas encore, et tout porte à croire que l'option  n'en est pas une. Le courant ne passe pas entre Patsy et Diana, c'est même pire que ça mais Lucy a rapidement abandonner l'idée de calmer le jeu. Et c'est d'autant plus vrai depuis qu'elle a eu un adorable petit garçon, devenu la prunelle de ses yeux et sa véritable raison de se battre dans la vie.

• Patsy ne connaît pas sa mère biologique, en revanche elle a eu toujours eu Lucy dans sa vie. Donc Lucy, c'est la seule qui compte. Qui comptait ? C'est flou. Si leur relation a longtemps été fusionnelle, la vie leur a mit des bâtons dans les roues. Enfin, c'est plutôt une façon de dire sans le dire que Lucy a merdé. Et pas qu'une fois. Les moments difficiles ont eu tendance à les éloigner, rendant alors ces derniers davantage compliqué à vivre. Il semblait pourtant à une époque qu'il soit possible de presque oublier et de juste se retrouver. Mais il y a des choix sur lesquels ont ne pas fermer les yeux, pas quand ça va aussi loin. Si rien n'enlève la reconnaissance, Patsy n'est plus sûre d'aimer cette personne qui tous les matins lui tend son déjeuner sans même la regarder dans les yeux. Patsy ne déteste pas son petit frère, même si ne l'est pas en réalité, mais c'est tout le reste qui va pas. Lucy la délaisse, Jacob est toujours très (trop) stricte à son égard – ne manquant pas au passage de lui rappeler à de multiples reprises qu'elle n'est pas à sa place dans ce foyer et Diana passe son temps à lui chercher des noises et à la tourmenter en lui disant d'horribles choses qui concernent notamment sa naissance. Elle n'est pas à sa place, c'est vrai, et traitée comme une moins que rien il lui tarde de claquer définitivement la porte de cet appartement. Même si l'inconnu lui fait presque autant peur que perdre les maigres choses qu'elle a acquise au cours de ces dernières années.

• Patsy ne sait plus quand ni comment elle s'est métamorphosée en cette garce hautaine et prête à tout pour avoir le dernier mot, c'est simplement arrivé et tant mieux. Quand bien même elle est loin de faire l'unanimité auprès de ses camarades de classe, elle a désormais les moyens de se défendre et ça prime de loin sur tout le reste. Elle protège son cœur quitte à piétiner celui des autres, écorchant un peu de leur dignité au passage. Telle est la leçon que la jeune femme retient de son quotidien au sein de son foyer : manger ou être manger. Le choix est vite fait. Certes, elle ne s'attendait pas à gagner autant de pouvoirs sur les autres jeunes de son âge mais l'occasion s'est présentée et alors elle a su gravir les échelons uns à uns sur la pyramide de la popularité, jusqu'à arriver au sommet et confirmer sa position de force. Avoir autant d'influence est enivrant, au risque peut-être de s'y brûler les ailes. Tôt ou tard, de toute façon la chute sera terrible. Si Patsy attend de la fin d'année pour prendre son indépendance, elle la redoute très fort aussi. Quitter le lycée revient à perdre tout ce qu'elle a construit pour se protéger, ne laissant qu'une jeune femme pleines de toutes et d'appréhension quant à son avenir.