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Des pleurs lors d’une nuit sans lune et sans étoiles, le ciel masqué par les nuages, brisant le silence et le sommeil dans les logements au-dessus et autour du St. Francis Children’s Society à Milton Keynes non loin de Bristol. Une organisation d’adoption gérée par l’église dans un sens puisque c’est un centre catholique et avec des bonnes soeurs pour gérer les enfants. On était venu ouvrir la porte pour découvrir dehors, enveloppé dans une couverture et reposant dans une grande boîte un enfant âgé de quelques heures tout au plus. Amené à l’hôpital pour s’assurer que tout allait bien, attendre également l’intervention de la police pour s’assurer qu’aucun enfant n’avait été enlevé malgré la lettre accompagnant le bébé et demandant de lui trouver une bonne famille puisque la mère ne pouvait s’en occuper. Personne n’était venu le réclamer, on avait donc fait de lui un enfant du système. On le nommait alors Nox, puisqu’il lui fallait bien un prénom. Du latin Noctis, la nuit, le noir. Il découvrait par la suite aussi que ce nom se rapporte à la mort, aux enfers, à l’orage, mais ça c’est une autre question. Quel espoir laissait-on à un enfant en lui donnant un tel nom? Mais les noms latins étaient un peu une tradition au St Francis. Un blondinet de naissance - ses cheveux maintenant souvent teints en noir -  avec des yeux pourtant aussi noirs que la nuit sans étoile durant laquelle il était apparu d’on ne savait trop où, ils avaient attendu le temps règlementaire durant laquelle la mère pouvait se manifester avant de le proposer à l’adoption. Enfant compliqué dès la petite enfance, on suppose que sa mère avait des problèmes d’addiction puisqu’il est né avec un syndrome de manque et en hurlait de toutes ses forces, parcouru de tremblements. C’est resté un bébé très agité, qui avait besoin d’exprimer cette colère qui semblait bouillir dans ses veines depuis toujours.
Un an avait passé, deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans… La vie en orphelinat n’était pas vraiment ce qui lui correspondait le mieux, et son tempérament n’avait fait craquer aucune famille malgré un visage angélique, des traits fins et harmonieux depuis toujours, une intelligence qu’on ne pouvait nier tant il était éveillé. Trop peut être, un peu trop dans son monde, pas assez sociable avec les autres enfants, bagarreur et la langue trop bien pendue. Lui n’a jamais été branché religion, et a arrêté le nombre de punitions reçues pour toutes les fois où il s’était montré impertinent alors qu’on lui demandait de se plier aux règles. La décision fut finalement prise alors de l’envoyer en famille d’accueil pour qu’il apprenne à mieux trouver sa place dans une structure familiale.
Élève moyen par refus d’obéir plus que par incompréhension, préférant griffonner sur un cahier plutôt que d’écouter en tout temps. Être assis et se taire l’ennuie rapidement, son esprit divague ailleurs. Loin, bien loin. Le chic pour s’échapper de l’école pour disparaître et courir jusqu’à s’éloigner de tout ça, rentrer plus tard alors que tout le monde était mort d’inquiétude. Voler à manger dans la cuisine, se fermer totalement. Nox a toujours eu tellement de mal à trouver sa place ce qui avait mené à plusieurs changements de famille puisqu’il n’atteignait pas ce qu’on attendait de lui. Il a toujours refusé toute tentative d’adoption, il n’avait pas de parents, des personnes avaient délibérément fait le choix de ne pas vouloir de lui. Il refusait que ce rôle soit pris par défaut en étant la pièce rapportée. Puis dans d'autres familles il ne serait resté pour rien au monde, souffrant souvent bien plus qu'il ne le dira jamais. C’est ce qui a mené à ses 10 ans à son arrivée en ville dans une nouvelle famille qui acceptait de le prendre après qu'il ai exprimé de lui même son envie de partir de la dernière. Il est arrivé avec ses quelques bagages sous le bras dans cette grande propriété à gold valley. Un espace si grand qu'il ne se sentait pas enfermé. Des chevaux dans des prés, des animaux dont il pouvait s'occuper aussi, un chien qui dès le début l'avait suivi comme son ombre. C'était peut être le premier endroit où il avait trouvé sa place, d'une certaine façon. Avec une famille assez occupée pour ne pas l'étouffer, des parents d'accueil plutôt sympa qui comprenaient son besoin d'indépendance et comme un animal sauvage avaient appris à l'apprivoiser petit à petit, jour après jour.
Jeune arbre prenant ses racines, on ne fait pourtant pas d'un pommier un cerisier. Il ne changerait pas pour autant. Sa facculté légendaire à s'attirer des ennuis le suivait à la trace il semblerait, combien de fois était il rentré avec un mot de l'école, un nez en sang après s'être battu, des vêtements partiellement déchirés parce qu'il avait encore une fois escaladé le grillage de l'école pour en partir? La famille ne s'inquiétait pas outre mesure, sachant qu'il reviendrait à la maison tôt ou tard et comprenant bien que quoi qu'on fasse il ne pourrait juste pas s'en empêcher. Mais ils l'avaient accepté, sans jamais vouloir s'en débarasser. Ce que lui même ne s'explique pas, dans un sens. Alors il a su s'adoucir un peu, et les laisser prendre une place dans sa vie.
C'est dans cette même ville, et comprenant que malgré ses frasques ils ne le chasseraient pas, qu'il avait pour la première fois ouvert son coeur à l'amitié. Les années passant, il s'autorisait à s'attacher à des gens. Souvent très différents, pourtant complémentaires d'une certaine façon, ils étaient un peu tous les étoiles dans sa nuit.
Ses absences répétées et son comportement l'ayant poussé à redoubler, il est maintenant toujours en dernière année au lycée. Ses amis sont la famille qui n'a jamais été sienne, tous très différents les uns des autres et pourtant similaires sur plusieurs points et unis par la bienveillance et la tendresse qu'ils ont les uns pour les autres. Ils l'aiment, pour qui il est et sans chercher à le changer. Rien que pour ça ils sont les êtres qu'il préfère au monde, et avec eux il peut faire preuve d'un peu plus de douceur. Comme s'il n'avait plus de raison de fuir. Bon, il les attire souvent dans ses idées farfelues et à force ils ont l'habitude de venir le rejoindre à l'hôpital après une énième prise de risque mais ça ils ne s'en étonnent plus tellement! Après cette année, il ne sait pas encore trop bien ce qu'il compte faire. Les études ne sont pas vraiment une aspiration en soi, pas assez patient, bien trop impatient de quitter le système scolaire. Agé maintenant de 18 ans il ne dépend plus du système et sait qu'il va pouvoir rester ici s'il le souhaite. L'avenir est sien. Il est maître de son destin, mais doit encore trouver sa voie.