Aîné – Christopher est né le premier enfant, et premier fils. Fierté de ses parents, qui lui ont enseigné dès le plus jeune âge à être le modèle, le protecteur, celui sur lequel le reste de la fratrie pouvait, devait compter. Pression douce, mais réelle sur les épaules du gamin timide qui a du mal à former ses mots, qui bute et trébuche sur les syllabes et préfère se réfugier dans les bras de sa mère plutôt que de faire face aux autres enfants.

Bègue – L’orthophoniste pose un diagnostic et s’ensuivent des heures de travail, pour aider le gamin. L’école est difficile, pour celui qui a du mal avec la foule et angoisse facilement, face au tableau et à tout ce qui se bouscule dans sa tête. Il a du mal, et ses parents en sont désolés, incapable de l’aider à naviguer ce qui, déjà, ne semble pas poser de problème aux autres.

Natation – Bob Rhodes est un homme qui n’abandonne pas, et pour aider son fils aîné, il ne voit qu’une solution : le sport. Au départ collectif, il déchante bien vite et accepte de laisser Christopher choisir. Un peu par hasard, le gosse prend la natation, se disant qu’au moins, il sera seul durant ses entraînements, ou presque. C’est une révélation : il est doué, le marmot, et il avale les longueurs avec une régularité de métronome.

Adolescence – Les années chez l’orthophoniste et le corps sculpté par la natation forgent une certaine popularité chez le jeune garçon au collège puis au lycée. Ce dernier ne s’en rend pas vraiment compte, toujours aussi timide, focalisé sur ses entraînements. L’école n’est décidément pas son fort, mais son coach parle de parcours sport-étude, de bourse spécialisée. Ses parents sont fiers. Son frère et sa sœur viennent l’encourager durant ses compétitions. Et il est suffisamment grand et costaud pour les protéger de ceux qui voudraient les embêter.

Compétition – Une offre qui ne se refuse pas : un coach, des infrastructures d’entraînement, une place dans une université réputée … Christopher, malgré la crainte de quitter les siens, accepte, encouragé par ses parents et sa fratrie. Et il enchaîne les compétitions, nationales puis internationales, gravissant les échelons de la renommée mondiale dans les bassins. Dossiste, spécialisé dans les moyennes distances, ce n’est pas ce qui a le plus d’exposition médiatique, mais c’est sa passion. Qui ne paye pas tout, surtout que les sponsors ne se bousculent pas. Qu’importe : en parallèle, il travaille dur, s’accroche pour suivre des études de masseur-kinésithérapeute, section sportive. Peu à peu, les efforts payent.

Violet – Elle est jolie, Violet. Elle est intelligente, surtout, douée pour les études, contrairement à Christopher, qui a du mal à suivre les cours, surtout avec son planning d’entraînement. Elle a accepté de l’aider à réviser, à la demande d’un de leurs professeurs. Mais Christopher est un élève dissipé, qui n’écoute pas grand-chose et préfère la couver du regard sans oser l’inviter à sortir après leurs sessions improductives de révisions. Exaspérée, c’est elle qui finira d’autorité par le traîner dans un bar, pour qu’au moins « la soirée serve à quelque chose. » Et Christopher est fou amoureux, vibrant comme rarement, à attendre sa dulcinée tous les soirs avec une rose en main pendant une semaine après le premier rendez-vous.

Titres – Les premiers titres arrivent. D’abord, le national, à seulement 21 ans. Puis l’argent, aux championnats d’Europe, qui lui assurent une qualification pour les JO de Pékin. Premiers frissons dans les bassins, au milieu des plus grands. S’il voit la finale de son épreuve, il en finit bon dernier, mais avec des étoiles plein les yeux. Il reviendra. Et il enchaîne, d’années en années. Nageur professionnel, qui consacre tout à cette carrière de l’ombre, sans gros sponsors. La vie d’un athlète ordinaire n’est pas celle des contes de fée, ni des comptes en banque bien garnis, mais qu’importe. Et Violet le soutient dans ses rêves, qui fait bouillir la marmite avec son petit cabinet de kiné, et qui s’occupe de son cher et tendre.

Olympe – Londres, les JO à la maison. Le rêve, devenu réalité. Christopher était prêt. Et face à sa famille, dans les tribunes, à sa petite-amie, il va chercher le bronze olympique, du bout des doigts, pour quelques centièmes. Le soir même, ivre de bonheur, il met le genou à terre pour demander à Violet de l’épouser. Ils se marient l’année suivante, et le jeune homme est la personne la plus heureuse du monde, à pouvoir vivre de sa passion auprès de la femme qu’il aime. Il décroche le titre européen, puis devient vice-champion du monde, deux fois de suite. Quand il part pour Rio, Violet lui annonce qu’elle est enceinte. Dopé à la joie, comme il le dira parfois en souriant, Christopher se démène. Et c’est l’or qu’il accroche à son cou, cette fois.

Noir – Ils étaient sortis fêter l’anniversaire de Violet, enceinte de 8 mois. La route, Christopher la connaissait par cœur. La soirée avait été parfaite. Ils avaient encore discuté pendant des heures du prénom du bébé. Et puis, au coin de la rue, le choc. Voiture qui surgit. Chauffard. Christopher fait une embardée. Puis plus rien.

Hyacinthe – Dans la salle de réveil, Christopher apprend qu’il est le père d’une petite fille. Placée en couveuse. Dans la salle de réveil, Christopher apprend que Violet est en état de mort cérébrale. Seule sa fille a pu être sauvée. Dans la salle de réveil, Christopher apprend que sa vie s’effondre. Et tandis qu’il dit adieu à celle qu’il a tellement aimée, et qui ne l’entend pas, il lui promet que leur enfant continuera cette tradition des prénoms floraux. Hyacinthe Rhodes rencontre un père qui ne sait pas comment l’aimer sans sa mère, mais qui lui promet qu’il sera toujours là pour lui parler d’elle.

Douleur – Faire son deuil est long. Christopher déménage en hâte à Oakwood, et ses parents sont un soutien inestimable, ainsi que sa fratrie. S’occuper de sa fille est à la fois une bulle d’oxygène, et une souffrance terrible, et impossible à dire. Parce qu’elle ressemble déjà tellement à sa mère. Alors Christopher s’enfonce dans le chagrin, le dissimule comme il le peut derrière des sourires. Il ne trouve de répit que dans les bassins, reprenant l’entraînement, lui qui avait pourtant raccroché. Le mouvement de métronome des longueurs l’empêche de réfléchir. Et la douleur, lentement, se noie dans les ondulations de dos.

Père – Christopher apprend peu à peu à devenir père. Hyacinthe est un bébé tranquille, et il jongle comme il le peut entre son travail et ses entraînements. Pari fou, que de reprendre la compétition. Mais il en a besoin pour vivre, comme pour se raccrocher à ce qui rendait Violet si fière de lui. L’âge, pourtant, se fait sentir, face aux autres requins des bassins, plus jeunes et plus endurants. Le britannique s’accroche. Et à Tokyo, s’il échoue dès les séries en individuel, il participe au relais qui va chercher l’or. Frisson, que de gagner avec d’autres. Joie, de savoir que sa fille le regarde. Qu’il peut partager cela avec elle. Parce que ça, au moins, il en est capable.

Famille – Avec les années qui ont passé, Christopher mesure le chemin parcouru. Sa fille a désormais huit ans, et elle a manifestement hérité du caractère bien affirmé de sa défunte épouse, comme de sa sœur. Malgré quelques amourettes, il n’est jamais parvenu à faire rentrer quelqu’un d’autre dans leur vie, trop soucieux de l’équilibre de la petite pour s’autoriser à réellement se projeter avec une femme. Et puis, entre son métier dans lequel il s’investit totalement – jusqu’à aller décrocher une certification en ostéopathie pour compléter son panel de séances paramédicales – et les activités bénévoles qui l’accaparent, il n’a pas vraiment le temps, non ? Il est heureux comme il est, Christopher, aux déjeuners dominicaux des Rhodes, entouré des siens. Et s’il a parfois l’impression que sa mère oublie des petites choses, ce n’est pas grave : les Rhodes sont là les uns pour les autres.

EN VRAC : Christopher possède un chien, Toku, un Akita adopté il y a dix ans avec sa défunte épouse, Violet – Il ne dort que du côté gauche du lit, incapable d’être du droit, car c’était celui de sa femme. – En plus de la natation, il a assidûment pratiqué le karaté. – C’est un très bon cuisinier, et un très mauvais chanteur. – Il aime les jeux de société mais déteste perdre. – Son après-midi idéale consiste en une sieste à l’ombre du jardin de ses parents, avant de lire tranquillement un livre avec sa fille. – Il lit une histoire à sa fille chaque soir pour l’endormir, c’est leur rituel. – Il a constitué des albums de photos pour chaque membre de sa famille. – Il est végétarien depuis son arrêt de la compétition.
.