Paris, 1987 •
C'était à l'époque qu'on qualifierait de rétro désormais, là où « Bad » ou encore « Smooth Criminal » mettent au placard l'icône des jeunes, le grand Johnny Hallyday. À l'époque où le prénom du rockeur ne fait crier les filles que parce qu'un personnage sacrément sexy et du même nom a dit « On ne laisse pas Bébé dans un coin » dans le tout nouveau film qui vient de sortir. L'année où Tatcher remporte une nouvelle fois une victoire électorale et que Warhol et Dalida décident de nous quitter. Mais surtout, et le plus important dans notre histoire, c'est l'année où le programme d’échange d’étudiants entre les universités et les grandes écoles européennes, Erasmus, voit le jour. Oui, je parle bien de 1987, je dirai même plus octobre 1987.
On est mi-octobre et une violente tempête touche la Bretagne et l'Angleterre, mais Elisabeth n'a pas à s'en faire, elle est à Paris sans se douter que sa vie allait changer au détour d'une rue.
Arrivée depuis septembre, rentrée scolaire, Elisabeth profite de ce début de week-end pour découvrir la capitale et faire du tourisme. Montmartre l'appelle, en même temps que son destin, car c'est sur la place du Tertre que tout commence. À l'époque déjà, les artistes déposaient leur chevalet et esquissait votre profil en échange de quelques pièces. C'est d'ailleurs ce que faisait Arthur, à troquer son talent pour trois francs six sous, mais elle, il ne l'a pas fait payer, bien au contraire. Pour faire durer cet instant magique où il n'arrivait à détacher ses mirettes de ses belles boucles blondes, de ces grand yeux bleu et de son fin visage, il fit éterniser l'esquisse, lui offrit un café, l'invita à boire un verre et même à diner, y passant ainsi la modique somme récoltée au cours du mois, en une soirée. Mais quelle soirée ! C'est celle qui enclencha tout, les rendez-vous galants, les diners aux chandelles, les soirées aux clair de lune et les nuits enivrantes...  Cette soirée-là fut la prémisse d'un amour qui ne fit pas l'unanimité au point de les amener de l'autre côté de l'océan. Et c'est là que commence mon histoire.

Boston, 1992 •
Je suis né un lundi 17 octobre 1992, début du travail 8h32, expulsion du logis à 11h07, pile l'heure de l'apéro ! Cela présageait-il mes années d'étudiant fêtard et mes matinées gueule de bois ? Humm, peut-être bien ! Quoi qu'il en soit, je suis un bon gaillard, hardi, rempli d'imagination, avec l'âme d'un aventurier et ça toute mon enfance. De quoi donner le tournis et de belles frayeur à ma pauvre mère et du fil à retordre à ma très chère grand-mère, mère de ma propre mère, mais avant tout une Lady. Hélas oui, l'aristocratie coule dans mes veines, mais aux dires de cette dernière, pas les bonnes manières. En effet, on ne va pas se mentir, je suis loin d'avoir été éduqué de la manière dont ma génitrice l'a été, mais je grandis heureux, rempli d'amour, de bobos et de terre sur les mains. Je serais plus réceptif aux exigences british quand je serai un peu plus vieux, sans réellement m'y faire non plus. De toute façon, je n'irais qu'à quelques occasions donc... Un peu comme de l'autre côté de la Manche, je poserais les pieds sur le sol français qu'à quelques reprises, principalement pour visiter Paris, le sud ou encore aller chez mes grand-parent du côté de mon père, mais ils ne furent pas mes plus gros voyages.

Oakwood, 2000 •
Certains voyages sont plus longs que d'autres, notamment ceux de l'esprit et du cœur. Alors quand ce dernier est fissuré, seul le temps pourra le guérir.
Ce soir-là, beaucoup d'entre vous fêtait le changement de millénaire, d'autres y voyait la fin du monde à travers les prédictions d'un astrologue pas toujours très perspicace (spoiler alerte, non, on n'allait pas tous mourir ! ). Moi, la fin de mon monde n'a rien eu à voir avec les étoiles, les planètes ou je ne sais quoi. Moi, ce fut la faute à un pied trop enfoncé sur la pédale d'accélérateur, à des jeunes hilares, un peu trop bourrés et sans doute un peu trop drogués aussi pour ne pas voir le fameux virage en épingle sans quoi rien de tout cela ne serait arriver. Ouai c'est ce petit cocktail de tout cela qui fit basculer mon monde en enfer. AH je retire ce qu'il a dit le vieux fou ! Peut-être bien que l'année 2000 ouvre bien les portes de l'enfer enfin de compte ! Parce que ça ressemblait un peu à ça, ma vie après ce f*cking jour de l'an où j'ai perdu mon père et ma mère dans un p*tain d'accident de voiture...
Les jours qui ont suivi ont eu pour thème : le changement. Changement d'environnement, de pays, de maisons, changement d'école, changement d'amis, changement de vie. Dans tout cela, j'ai eu la chance d'avoir été recueilli par Tante Mary. Certains la pensait incapable d'élever un enfant à son âge, qu'elle n'y arriverait pas, surtout après ce que je venais de traverser. Aujourd'hui, si elle le pouvait, elle lèverait bien haut son majeur, indignant chaque personne à qui il serait adressé, leur prouvant le contraire.

Enfin voilà, à partir de ce moment, ma vie ressemblait à celle de Peter Parker sans l'araignée et les machins de super-héros. Ce n'est pourtant pas l'univers Marvel qui occupa mes passions en étant enfant. Non, c'était plus un héros d'un autre temps. C'est en cherchant de quoi meubler mes journées, moi l'enfant, devenu muet, totalement perdu, qu'Indi me trouva. Oui je parle bien du plus grand aventurier de tous les temps : le célèbre Indiana Jones. Fan d'Harrison Ford, mon grand-oncle avait toute une collection de VHS sur l'acteur, mais mes films préférés, ceux qui me happèrent si fort que la passion du patriarche devint en quelque sorte la mienne, furent les aventures du célèbre professeur d'archéologie et aventurier. Une passion dévorante au point que j'établissais mes plans de carrière : être, plus tard, archéologue. Mais l'impatient que j'étais n'a pas attendu de pouvoir exercer pour creuser des trous un peu partout en espérant fort trouver un os de diplodocus ou un artéfact de civilisation lointaine. Rêve qui s'est littéralement calmé quand je me suis vu confisqué les outils chinés un peu partout dans la maison de Tante Mary (pinceau à blush, gant à vaisselle, pelle de jardinage ...) et mon fameux chapeau d'aventurier ( vieux Panama déchiré d'Oncle Richard ). La raison ? L'énorme trou qu'on avait creusé avec les copains dans la foret en cherchant des vestiges de tribus disparues, qui fit une victime à la cheville foulée de la part d'un promeneur. Ma carrière d'archéologue pris soudainement fin, si près d'une découverte historique ( sisi !!! )

Philadelphie, 2010 •
Et bien que ma passion enfantine pour l'archéologie et objets anciens se poursuivit pendant mes années prépubère grâce à Lara Croft ( oui oui c'était vraiment pour son talent d'aventurière *siffle*), la médecine vint à pointer tout doucement le bout de son nez. Serais-je passé de Tomb Raider à Grey's Anatomy ? Hum, peut-être bien ! Le docteur Stevens avait des atouts qu'on ne pouvait repousser. Car oui, c'est bien connu, les élèves en médecine et bien ... ils jouent aux médecins, et pas que dans les salles de cours ou en internat, si vous voyez ce que je veux dire. Et autant dire que mon carnet de rendez-vous patient était plein. En effet, je n'ai pas chômer en tant que "medecin", profitant bien de mes deux années de médecine à l'université de Pennsylvanie, retour sur la terre natale. Oui, seulement deux ! Puisqu'au fil du temps passé avec les humains, j'ai préféré les animaux. Non je ne suis pas quelqu'un d'associable, au contraire, disons juste que la compagnie animalière est souvent plus agréable que celle de personnes. Du coup, j'ai switché de la School of Medicine à la School of Veterinary Medicine, toujours à Philadelphie et pour quatre années supplémentaires. Un an de stage de perfectionnement m'a amené jusqu'en Australie entre 2016 et 2017. C'est là-bas, au Australia Zoo à Beerwah, dans le Queensland que j'ai pu approché des animaux plus exotiques, sauvage. Pourtant, ma plus belle expérience fut en Tanzanie, pendant mes trois années de spécialisation en félin, dans une réserve africaine : le parc du Serengeti. C'est là que je suis tombé amoureux de l'Afrique, de son peuple, de ses paysages et de sa culture. Amour tel qu'après la réussite de mes études, jeune diplomé, j'ai décroché une place au Parc nationnal d'Etosha, en Namibi, plus au sud de l'Afrique. Là-bas, j'ai pu agir, en tant que vétérinaire, pour la protection des espèces, son contrôle et bien entendu pour les soigner lors d'un accident ou tentative de braconnage. Installé, j'y ai vécu pendant près de quatres années, comptant bien en faire au moins dix de plus mais parfois le destin a d'autres plans pour nous ...

Oakwood, 2024 •
J'y revenais, de temps en temps, au moins une fois par an, enfin j'essayais ... Et à chaque fois, je repartais le coeur lourd, de la laisser là, seule, les années contre la santé, sans savoir quand je reviendrais la fois prochaine. Elle m'avait tout caché, ses problèmes cardiaque, son souffle au coeur... Elle n'avait pas envie de m'inquiéter, disant toujours que j'avais bien d'autres chats à fouetter (humour en rapport avec mon métier) mais surtout que j'avais eu mon lot de malheurs. Car oui elle était comme cela Tante Mary, toujours à me protéger... Elle est partie le 28 décembre, peu de temps après Noël, ce même Noël auquel j'aurais dû assister mais comme toujours on croit que le temps se manipule, qu'on peut appuyer sur un bouton «pause» ou «marche». Pour Tante Mary se fut celui où était inscrit «stop».
Tante Mary n'a jamais eu la chance d'avoir d'enfants, alors quand on m'expliqua, trois mois après son décès que j'héritais de sa maison, cela ne m'a guère surpris. Elle m'en avait déjà touché deux mots, toujours sous le ton de l'humour, mais cela me laissait un goût bizarre dans la bouche, un boule dans la gorge en signant les papiers de propriété. Une impression d'illégitimité, d'imposteur me submergeait et me fit hésiter à prendre la route vers cette petite ville où j'ai grandi. Pourtant, quand je vis le panneau « Welcome to Oakwood », je sus que j'avais pris la bonne décision.